Le bicorne dans les assiettes : Napoléon et sa légende au quotidien.

En 1827, Pierre-Jean de Béranger (1780- 1857) poète et chansonnier très populaire opposé au gouvernement ultra-royaliste de Charles X,  publie une chanson intitulée « Les Souvenirs du Peuple ».

Le premier couplet dit :

« On parlera de sa gloire
Sous le chaume bien longtemps.
L’humble toit, dans cinquante ans,
Ne connaîtra plus d’autre histoire.
Là viendront les villageois
Dire alors à quelque vieille
Par des récits d’autrefois,
Mère, abrégez notre veille.
Bien, dit-on, qu’il nous ait nui,
Le peuple encor le révère,
Oui, le révère.
Parlez-nous de lui, grand-mère ;
Parlez-nous de lui. (Bis) »

Cette chanson illustre comment Bonaparte et son épopée sont devenus pour le peuple, une légende. Sous le consulat et l’Empire c’est d’abord une propagande, mais dès la restauration de 1815, le mythe, d’abord utilisé par les bonapartistes, va être repris et diffusé dans toute la société.

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Les arts graphiques, décoratifs et populaires sont des supports de choix pour la diffusion de l’image de l’empereur. La gravure, avec les images d’Epinal ou la lithographie qui permettent de nombreux tirage assurent une diffusion maximale des images officielles.

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La céramique est aussi un moyen de diffusion des images et des idées : suite au développement des procédés industriels d’impression, tampon puis décalcomanie, elle est sur toutes les tables et tous les vaisseliers. Le rapatriement des cendres de Napoléon en France est décidé par le roi Louis-Philippe. Censée réunifier les Français autour de la Monarchie de juillet, Thiers (An 5-1877) en fait un grand moment national qui sera diffusé via les assiettes de nombreuses faïenceries dont celle de Creil[3]. Tout au long du XIXe siècle, les faïences évoquant l’empereur seront des valeurs sûres des catalogues des faïenciers français.

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Après la défaite française de 1870,  censées galvaniser les Français contre l’ennemi prussien, les images de la légende vont enfin être diffusées, à la fin du XIXe siècle par la publicité, parfois de façon amusante et ironique. La  propagande officielle fera enfin un retour remarqué pendant la Première Guerre mondiale. Tous les supports notamment l’affiche et la lithographie seront mis à contribution.

Texte: Philippe Gayot